La victoire de Trump ou ‘Le monde est tanné des experts’

12 novembre 2016

À l’occasion de la Grande récession de 2007, les pouvoirs publics ont investi des sommes colossales afin de sauver le système bancaire et éviter une répétition des faillites en série de la Grande dépression de 1929.

À la suite de cet endettement, le milieu des affaires a réclamé une diminution des dettes étatiques, obligeant nos gouvernements à couper dans les services à la population.

Au Québec, l’austérité a semblé d’autant plus impopulaire qu’elle a été décrétée par un parti qui, il y a peu, invitait les entrepreneurs à piller le Trésor public en échange d’une modeste contribution à sa caisse électorale.

Depuis, les médias traditionnels annoncent un retour de la prospérité économique à partir d’indices douteux.

On doit savoir que la spéculation boursière et la majoration de la valeur du parc immobilier déjà existant contribuent à la croissance du PIB.

En d’autres mots, un pays ne pourrait créer aucun emploi, ne produire pas un seul clou de plus et pourtant, voir son PIB augmenter substantiellement si la valeur capitalisée (la valeur des actions déjà émises) de ses entreprises doublait en raison d’une bulle spéculative.

Or justement, en raison de l’actuelle bulle spéculative boursière, nous sommes submergés de fausses bonnes nouvelles économiques.

Ces fausses bonnes nouvelles sont publiées parce que nos quotidiens sont aux prises avec une diminution de leurs revenus publicitaires. Ils coupent donc dans leur personnel. Et pour compenser, on publie intégralement des dépêches reçues d’agences de presse.

Or ces agences sont des organismes opaques qui émettent des dépêches anonymes ou des textes signés par des journalistes ou des reporters que personne ne connait.

La plupart du temps, ces agences reproduisent elles aussi les communiqués émis par des entreprises ou des gouvernements.

C’est ainsi que nos journaux nous parlent du ‘miracle’ économique de certains pays. En réalité, toujours aussi endettés, ces pays connaissent une croissance économique monopolisée par des succursales d’entreprises internationales qui s’empressent de redistribuer leurs profits à leurs actionnaires étrangers, ne laissant que des miettes aux citoyens de ces pays.

Par contre, on ne parlera presque jamais de l’Islande, rebelle du Néolibéralisme et modèle de Démocratie, dont la croissance économique est une des plus élevées d’Europe.

Le résultat de cette désinformation, c’est que les citoyens de Grande-Bretagne et des États-Unis constatent un effritement de leur pouvoir d’achat en dépit de toutes ces bonnes nouvelles.

Par ailleurs, ce pouvoir d’achat est handicapé par l’acquisition de nouveaux gadgets électroniques couteux nécessaires à la scolarisation de leurs enfants ou à leur développement.

Lors de la campagne du Brexit, une des vedettes du clan favorable à la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne était confrontée à un journaliste. Ce dernier lui signalait le témoignage d’experts prédisant les effets néfastes du Brexit.

Agacé, ce politicien lui a alors répliqué : « Le monde est tanné des experts

Peu de choses résument mieux le ressentiment de nombreux citoyens à l’égard du jugement d’une certaine élite (politique, économique et journalistique) sur les questions qui les touchent de près.

Les citoyens occidentaux sont aux prises avec une stagnation économique dont ils n’arrivent pas à se sortir. Cela est dû à la cupidité des milieux financiers qui accaparent la grande majorité de la richesse créée depuis quelques années.

Au XXe siècle, le grand capital consentait à la redistribution de la richesse en raison la menace de la montée du Communisme.

Avec l’effondrement du Rideau de fer, cette menace n’existe plus. Si bien que nous sommes revenus à la loi du « Au plus fort la poche ».

Nos dirigeants politiques ferment les yeux sur les paradis fiscaux (dont ils profitent personnellement) et autorisent l’évitement fiscal (qui n’est rien d’autre que de la fraude fiscale légalisée).

Conséquemment, c’est la classe moyenne qui paie une part croissante des dépenses de l’État alors que les possédants évitent de payer leur juste part.

L’élection de Trump et le Brexit sont l’expression de la révolte des peuples anglo-américains. Un discours populiste a cristallisé cette révolte contre les milieux financiers et l’Union européenne dans le cas du Brexit, et contre les immigrants, la mondialisation et les Musulmans dans le cas de la victoire électorale du Trump.

Au Moyen-Âge, on imputait la faute de la peste aux sorcières et aux Juifs (que la foule s’empressait de lyncher).

De nos jours, les Latinos et les Musulmans les ont remplacés dans la vindicte populaire américaine. Mais c’est la même manipulation de l’opinion publique qui est en jeu. Comme au Moyen-Âge.

Ceux qui en bénéficient aujourd’hui auraient intérêt à ne pas se réjouir trop vite tant leurs solutions simplistes sont vouées à l’échec.

Et ceux qui s’en attristent peuvent se consoler en réalisant qu’il s’agit ici d’une révolte protéiforme dictée par un ressentiment aussi vague que spontané. Une révolte qui peut changer de cible aussi rapidement que le vent peut changer de direction.

Dans l’opéra rock Notre-Dame de Paris, Luc Plamondon écrivait : « Il est venu, le temps des cathédrales.» Aujourd’hui on pourrait paraphraser cela en disant : « Il est venu, le temps des révoltes

L’Histoire retiendra les noms des dirigeants politiques qui auront le mieux réussi à canaliser positivement cette indignation vers l’avancement de nos peuples…

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Écrit par Jean-Pierre Martel