L’enseignement de l’histoire du Québec

Le 5 novembre 2016

De 1982 à 2006

Pendant un quart de siècle, l’enseignement de l’histoire au Québec ne s’est étalé que sur une seule année du secondaire.

En 1996, le rapport Lacoursière suggérait une augmentation du nombre d’heures d’enseignement de l’histoire du Québec.

À la suite de ce rapport, la gestation du cours Histoire et éducation à la citoyenneté prit une décennie. Ce fut long parce que cette gestation s’est faite parallèlement à la mise au point du Renouveau pédagogique.

Celui-ci est une vase réforme destinée à axer l’éducation sur le développement de l’aptitude à apprendre plus que sur l’apprentissage lui-même; les élèves sont évalués selon leurs compétences transversales (une notion subjective, difficile à évaluer) plutôt que sur leur acquisition de la connaissance (c’est-à-dire la mémorisation des faits, facilement vérifiable).

De plus, l’accession au pouvoir du gouvernement Charest a été une occasion de purger l’enseignement de l’histoire des évènements susceptibles de favoriser le nationalisme québécois.

Histoire et éducation à la citoyenneté (2006)

Le cours Histoire et éducation à la citoyenneté fut adopté en 2006 et mis en vigueur de 2006 à 2009. Il est enseigné en troisième et quatrième années du secondaire.

En troisième année, on survole l’histoire de la société québécoise de ses origines à nos jours. Puis, l’année suivante, les élèves revoient la même histoire sous quatre grands thèmes :
• population et peuplement,
• économie et développement,
• culture et mouvement de pensée, et
• pouvoir et pouvoirs.

Ce cours postnationaliste passe sous silence le rapport Durham et évite toute référence à René Lévesque ou à l’affirmation nationale. Qualifié d’enseignement ‘amnésique’ de l’histoire, il n’a cessé d’être critiqué depuis son entrée en vigueur.

Les professeurs avaient l’impression d’être redondants, racontant l’histoire plusieurs fois selon différentes perspectives.

Commandé par le gouvernement péquiste de Mme Marois en 2013, le cours Histoire du Québec et du Canada a été adopté l’année suivante par le gouvernement libéral de M. Couillard.

Histoire du Québec et du Canada (2016)

En dépit de son titre, ce cours n’aborde l’histoire canadienne que dans la mesure où celle-ci a influencé le développement du Québec. Essentiellement, l’accent est donc mis sur l’histoire du Québec dont la trame chronologique est étalée sur deux ans.

C’est l’année 1840 (qui a vu la naissance de l’Acte d’Union) qui sera la charnière qui séparera ce qui sera enseigné à l’une ou l’autre de ces deux années.

On y a ajouté des notions qu’on n’enseignait pas avant comme l’esclavagisme en Nouvelle-France, de même que les conflits avec les Amérindiens et avec les Anglais, en dépit de la nature délicate de ces sujets.

Le nouveau cours sera obligatoire en 2017 mais les professeurs qui sont déjà prêts peuvent l’enseigner dès maintenant.

C’est le cas de la majorité des professeurs d’histoire de troisième année du secondaire. Les professeurs de quatrième ne peuvent le donner dès maintenant puisqu’il doivent attendre la première cohorte d’étudiants ayant reçu le nouveau cours en troisième année.

Des projets pilotes concernant ce qui doit être enseigné en quatrième du secondaire ont révélé que les professeurs trouvent qu’il y a trop d’évènements de grande importance à couvrir et qu’il leur est difficile d’y aller en profondeur.

Le nouveau cours a la faveur de la majorité des enseignants et historiens du Québec, qui le trouvent mieux construit et plus simple à assimiler pour les élèves

La principale critique vient de certains organismes anglophones.

Pour sa part, sans donner d’exemples précis, la Quebec Community Groups Network aurait aimé que l’histoire soit racontée de façon plus ‘neutre’ et ‘inclusive’, notamment à l’égard des autochtones, des anglophones et des immigrants.

Dans l’édition d’aujourd’hui du Devoir, Mme Nicole Ste-Marie signale à nos amis anglophones que leur souhait, aussi bon chic bon genre qu’il soit à première vue, signifie qu’on devrait enseigner l’histoire :
• des Chinois qu’on a fait venir pour construire le chemin de fer transcanadien sous des conditions proches de l’esclavage (plusieurs y ont trouvé la mort),
• de la dépossession des Métis de leurs terres dans le centre du pays pour les donner à des colons anglais,
• de la pendaison de Louis Riel, chef des Métis,
• du génocide des Béothuks à Terre-Neuve par les troupes anglaises,
• des Innus déportés dans l’Arctique tout en leur interdisant de chasser à leur arrivée, les condamnant à mourir de faim,
• des réserves amérindiennes, créées par le régime anglais, et qui ont servi de modèle à l’établissement de l’Apartheid en Afrique du Sud,
• de l’internement des Canadiens d’origine japonaise et leur dépossession pendant la 2e guerre mondiale,
• du kidnappage (encouragé par le Département des Affaires indiennes du Canada) des jeunes autochtones dans des pensionnats où ils étaient battus et abusés sexuellement.

Anecdote personnelle et conclusion

Il y a quelques années, dans un commerce où je travaillais, je me suis retrouvé seul à seul à parler d’histoire avec une vieille dame assez distinguée, unilingue anglaise.

Alors que je mentionnais être descendant d’une fille du Roy, cette dame m’a demandée — un peu gênée de poser la question — s’il n’était pas exact que les colons français étaient des repris de justice et que les filles du Roy étaient des prostituées.

Un peu surpris par sa question, je lui ai répondu que l’Angleterre déportait en Australie une partie de ses condamnés aux galères mais que ce n’était pas le cas de la France en Nouvelle France.

Mon ancêtre masculin (Honoré Martel) était le fils d’un vendeur de chevaux à Paris et la fille du Roy de laquelle je descends (Marguerite Lamirault) était la fille du cocher de la reine de France.

Après le départ de cette dame, j’ai réalisé qu’une partie des Anglophones québécois ont appris de telles conneries à notre sujet. Si ce n’est pas à l’école, leurs professeurs n’ont rien fait pour corriger ces préjugés.

D’où l’importance, essentielle à mes yeux, que tous les Québécois reçoivent à l’école le même enseignement de base en histoire, quitte à ce que les professeurs soient libres de compléter cela en enseignant des particularités propres aux différents groupes ethniques qui composent leurs classes.

Mais il doit y avoir un tronc commun auquel tous les Québécois doivent s’identifier.

À titre d’exemple, s’il est concevable que Pierre Le Moyne d’Iberville soit présenté comme un vilain pirate (ce qui est faux) par l’histoire du Royaume-Uni, nous ne sommes pas au Royaume-Uni. Conséquemment, il ne peut être présenté par l’histoire d’ici que comme le plus grand héros québécois (ce qu’il est), que cette histoire soit enseignée à un Québécois francophone ou à un Québécois anglophone.

En somme, l’Anglophone d’ici doit voir l’histoire du Québec en tant que Québécois et non en tant que descendant de Britannique (ce qu’il n’est pas nécessairement).

Tout comme Leonard Cohen doit être vu comme un grand poète et auteur-compositeur, peu importe notre langue maternelle.

Il faut donc cesser de considérer les personnages historiques d’ici différemment selon le groupe ethnique auquel on appartient.

Cela signifie, par exemple, qu’on doit enseigner que nous sommes tous redevables (Anglophones comme Francophones) à Jacques Parizeau, en dépit des paroles regrettables qu’il a tenues un soir de défaite référendaire.

Références :
Apprendre de nos particularités
Cours d’histoire: la ministre Courchesne réfute les critiques
Le nouveau cours d’histoire du Québec
Le nouveau cours d’histoire déplaît aux écoles anglophones
Nouveau cours d’histoire: «réparer l’erreur» de 2006
Nouveau programme d’histoire du Québec et du Canada : moins redondant et plus complet
Un nouveau cours d’histoire qui divise

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