L’église Saint-Joseph-des-Carmes

Le 3 avril 2016

Préambule

En 1607, Marguerite de Valois, épouse répudiée d’Henri IV, fait débuter à Paris la construction d’un palais auquel une chapelle hexagonale fut ajoutée l’année suivante. Celle-ci était surmontée d’un dôme à lanterne.

Après la destruction de ce palais, survenue quelques années plus tard, il ne subsista que ce lieu de prière, appelé chapelle des Louanges.

En 1617, on l’incorpora à l’église du couvent des Petits-Augustins qu’on construisait de manière contigüe. Si bien que celle-ci devint une chapelle latérale faisant partie de la nouvelle église, dont elle était une structure en saillie.

Abandonnée depuis, l’église de ce couvent fait partie aujourd’hui des bâtiments de l’École nationale supérieure des Beaux-Arts.

Pour certains, cette chapelle palatiale est le premier lieu de prière surmonté d’un dôme à Paris.

Cela est exact. Mais cela ne fait pas de l’ancienne l’église du couvent des Petits-Augustins, la première église à dôme tel qu’on l’entend aujourd’hui; ce mérite revient à l’église Saint-Joseph-des-Carmes.

Construction de Saint-Joseph-des-Carmes

Dôme à lanterne de l’église, vu de la Tour Montparnasse

Le 7 juillet 1613, le jour de la Saint-Élie, Marie de Médicis — deuxième épouse d’Henri IV et régente du royaume depuis l’assassinat de celui-ci en 1610 — pose la première pierre de l’église Saint-Joseph-des-Carmes. Il s’agissait d’un édifice en forme de croix latine surmontée d’un dôme.

Les Carmes dont il est question sont des religieux dont l’Ordre fut fondé à la fin du XIIe siècle par des ermites sur le mont Carmel, en Palestine. Officiellement, leur patron est le prophète Élie. Mais ils vouent un culte particulier à saint Joseph.

Au XVIe siècle, cet Ordre contemplatif donnera naissance à une communauté encore plus rigoureuse appelée Ordre des Carmes déchaux (ou déchaussés, c’est-à-dire sans chaussettes), dont les membres marchaient donc pieds nus dans leurs sandales.

La première messe de leur nouvelle église fut célébrée en 1620, le jour de la fête de la Saint-Joseph. C’était la première église parisienne qui lui était dédiée, et la seconde en France.

L’obéissance des religieux leur fit accepter le contraste saisissant entre la vie de pauvreté voulue par la règle du Carmel et la magnificence de l’église que la régente leur offrit.

Présentation de l’église

Façade de l’église

La façade de style baroque romain est relativement austère. À l’origine, les murs extérieurs du bâtiment étaient enduits de plusieurs couches de chaux de Senlis. Poli à la brosse, ce revêtement brillant portait le nom de Blanc des Carmes.

Les niches de la façade hébergent quatre statues. Tout en haut, la Vierge et l’enfant. En bas, juste au-dessus de l’entrée, saint Joseph (auquel l’église est consacrée). Entre les deux, à gauche, sainte Thérèse d’Avila (réformatrice de l’Ordre du Carmel) et à droite, un évêque barbu dont de je n’ai pas trouvé l’identité.


Note : Pour consulter un guide illustré des termes techniques d’architecture religieuse, on cliquera sur ceci.

 

Nef de l’église

La nef est composée d’un vaisseau central dépourvu de bas-côtés. Avant le transept, les murs latéraux de la nef sont percés de quatre grandes ouvertures qui donnent accès à autant de chapelles latérales richement décorées.

Chœur de l’église

La partie inférieure du maitre autel est ornée d’un bas-relief en marbre attribué à Évrard d’Orléans (mort en 1357). Il représente la Cène, en marbre blanc (sauf le calice du Christ, les mains et les visages des personnages, qui sont bruns). Ce bas-relief provient de l’église abbatiale cistercienne de Maubuisson (dans le département de Val-d’Oise).

La porte du tabernacle est décorée d’un agneau couché. Ce tabernacle est surmonté d’un crucifix placé à l’entrée d’un arc de triomphe supportant un dôme à la surface duquel alternent des gerbes de blé et des grappes de raisins (une allusion aux saintes espèces).

Devant l’autel baroque se trouve un autel de messe moderne dessiné par Philippe Kaeppelin.

En 1624, Anne d’Autriche, épouse de Louis XIII, offrit le tableau La Présentation de Jésus au temple de Quentin Varin (vers 1570-1634) que l’on peut voir au-dessus de l’autel. Ce peintre maniériste fut le maitre de Nicolas Poussin.

Originellement, cette toile était encadrée très simplement. Mais dès la réception de ce don, Pierre Séguier, protecteur des carmes (et qui deviendra chancelier de France l’année suivante) passe une commande au sculpteur Simon Guillain (1581-1658) en vue de la création d’un retable — en forme de frontispice comportant quatre colonnes corinthiennes en marbre noir — destiné à servir d’écrin à la toile de Quentin Varin.

Confisqué à la Révolution, puis récupéré au XIXe siècle, c’est un des rares retables du XVIIe siècle encore à son emplacement d’origine.

Tambour de la coupole et deux pendentifs

Située à la croisée du transept, la coupole a été peinte en 1663 par le Liégois Walthère Damery (1614-1678). Elle représente le monde céleste au moment de l’enlèvement du prophète Élie dans un char de feu. C’est un des premiers exemples de coupole en trompe-l’œil conservée à Paris.

Représenté également en trompe-l’œil sur le tambour qui supporte cette coupole, le monde terrestre observe la scène avec stupéfaction. Élisée, disciple du prophète, attrape au vol le manteau blanc qu’Élie aurait laissé tomber au cours de son ascension. Ce serait à l’exemple du prophète que les carmes portent depuis une cape blanche à capuchon.

Coupole, tambour et les quatre pendentifs

Également de Walthère Damery, les quatre pendentifs que l’on peut voir sur la photo ci-dessus représentent successivement Saint Jean de la Croix (à 1h, fondateur de l’Ordre des Carmes déchaux), Sainte Thérèse touchée par l’Amour Divin (à 4h, il s’agit de la réformatrice de l’Ordre), Saint Simon Stock recevant le scapulaire par la Vierge (à 7h, c’est un des premiers généraux de l’Ordre) et La Vision de sainte Thérèse (à 11h).

Chapelle du bras gauche du transept

Logée dans le bras gauche du transept, la chapelle de la Vierge fut aménagée en 1663. Ses éléments — dont la superbe Vierge et l’Enfant-Jésus en marbre blanc — ont été sculptés par Antonio Raggi (1624-1686), un élève du Bernin, d’après (dit-on) les dessins de son maitre.

Cette photo nous laisse également entrevoir le riche pavement de l’église, refait en marbre polychrome en 1711.

Vitrail du transept de gauche

Le vitrail situé dans le haut du bras gauche du transept date de 1863. Il a été créé par Claudius Vavergne (1815-1887). Il s’intitule La Vierge donnant le Rosaire à saint Dominique.

Chapelle Saint-Jacques

Une des deux chapelles latérales à gauche est la chapelle Saint-Jacques. Elle rend hommage à saint Jacques le Majeur, à saint Louis et à saint Dominique.

Restaurée en 2013, cette chapelle fut commanditée en 1635 par Jacques d’Estampes, seigneur de Valençay, qui la dédia à son saint patron, à celui de sa femme Louise de Joigny et à celui de son fils Dominique.

Elle fut décorée par l’Anversois Abraham Van Diepenbeeck (1596-1675), un élève de Rubens.

Quelques années plus tôt, Rubens, aidé d’une multitude de ses élèves, avait créé le vaste Cycle de Marie de Médicis, aujourd’hui au Louvre, mais qui décoraient originellement deux ailes du Palais du Luxembourg.

Ces toiles avaient été peintes en Flandre, dans l’atelier de Rubens.

La décoration ici de la chapelle Saint-Jacques a été créée sur place et constitue donc le plus grand ensemble mural réalisé en France par un Flamand.

Chapelle des Bienheureux-Martyrs-des-Carmes

En face se trouve la chapelle des Bienheureux-Martyrs-des-Carmes.

À l’origine, cette chapelle célébrait le couronnement de la Vierge. De sa décoration baroque initiale, seule la voute subsiste. Elle fut créée vers 1640 par le peintre lorrain Claude Déruet (~1588-1660).

Cette chapelle rend maintenant hommage aux 115 carmes déchaux qui furent massacrés le 2 septembre 1792 dans le jardin adjacent à l’église. Créé au premier tiers du XXe siècle, le reste de la décoration (assez sobre en raison du sujet) est constitué de marbre polychrome et de lambris en bois de couleur taupe, rehaussés de dorure.

La toile au-dessus de l’autel est intitulée La Vierge apparait aux religieux massacrés en septembre 1792, peinte vers 1926-1929 par l’abbé Paul Buffet dans le style pictural nabi.

Orgue

Au-dessus de la sortie, l’orgue repose sur une tribune relativement sobre. L’instrument a été créé en 1902 par le facteur Didier, puis fut profondément modifié en 1971 par la manufacture Beuchet-Debierre. Une deuxième restauration en 1992 fut effectuée par le facteur vosgien Bernard Dargassies.

Cet orgue bloque la lumière qui pénétrait originellement par la façade, orientée vers le sud. Cette orientation était responsable de l’éblouissement de la nef par temps ensoleillé.

Cette clarté intérieure répondait alors à la brillance du revêtement de Blanc des Carmes de la façade, et à la blancheur de la cape des carmes déchaux.

Méconnue de nombreux visiteurs et même de citoyens de Paris, l’église Saint-Joseph-des-Carmes est un lieu de culte de dimension modeste mais qui mérite d’être visité en raison de sa décoration superbe. Au cours de mon voyage à Paris en 2015, j’y ai assisté à la messe en semaine, et cette expérience m’a beaucoup plu.

Détails techniques : Appareil Olympus OM-D e-m5, hypergone M.Zuiko 8 mm F/1,8 (9e et 10e photos) et objectifs M.Zuiko 7-14 mm F/2,8 (2e, 7e et 11e photos), M.Zuiko 12-40 mm F/2,8 (3e et 6e photos), PanLeica 25 mm F/1,4 (4e et 5e photos), et M.Zuiko 75 mm F/1,8 (1re et 8e photos)
  1re photo : 1/4000 sec. — F/1,8 — ISO 100 — 75 mm
  2e  photo : 1/800 sec. — F/2,8 — ISO 800 — 7 mm
  3e  photo : 1/80 sec. — F/2,8 — ISO 2500 — 12 mm
  4e  photo : 1/60 sec. — F/1,8 — ISO 2000 — 25 mm
  5e  photo : 1/60 sec. — F/1,8 — ISO 400 — 25 mm
  6e  photo : 1/80 sec. — F/2,8 — ISO 800 — 12 mm
  7e  photo : 1/60 sec. — F/2,8 — ISO 1000 — 13 mm
  8e  photo : 1/400 sec. — F/1,8 — ISO 200 — 75 mm
  9e  photo : 1/80 sec. — F/1,8 — ISO 1600 — 8 mm
10e  photo : 1/60 sec. — F/1,8 — ISO 800 — 8 mm
11e  photo : 1/80 sec. — F/2,8 — ISO 2000 — 14 mm

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