L’église de Val-de-Grâce (1645-1667)

8 décembre 2015

La naissance d’un dauphin

En 1638, Anne d’Autriche — une princesse espagnole en dépit de son titre — est l’épouse de Louis XIII. Elle a 36 ans. Après 23 ans de mariage, elle n’a toujours pas donné d’héritier au roi de France.

Mariée à celui-ci en 1615 en vertu d’une entente matrimoniale entre l’Espagne et la France, sa nuit de noces fut un désastre.

Elle et le roi n’ont que quatorze ans. Aucun d’eux n’a d’expérience sexuelle. Mais la reine mère — qui assure la régence depuis le décès d’Henri IV en 1610 — ne veut pas qu’on puisse remettre en question cette union dynastique.

Dans la chambre nuptiale, dans des circonstances demeurées obscures, on interviendra afin de s’assurer que la mariage soit consommé dès cette nuit-là.

Traumatisé, le jeune roi portera longtemps rancune à sa mère. Mais surtout, il ne s’approchera plus de son épouse pendant les quatre années suivantes.

À la suite de cette première expérience humiliante, au fil des années, la sexualité de Louis XIII se développera vers un attrait exclusif à l’égard de courtisans de sexe masculin.

Le roi passe la nuit très rarement dans la chambre de la reine, et lorsque c’est le cas, c’est dans le seul but de tenter d’assurer la pérennité de la dynastie par la conception d’un héritier.

Après plusieurs fausses couches, à la surprise générale, la reine donne finalement naissance à un bébé masculin le 5 septembre 1638. Cet héritier règnera à partir de 1643 sous le nom de Louis XIV.

Une réalisation parsemée d’embuches

Au cours de la longue période où elle est délaissée, la reine avait promis à Dieu qu’elle ferait construire une église si elle devait donner un héritier au royaume.

Son choix se porte sur l’abbaye de Val-de-Grâce, en construction depuis 1624 et qui, plusieurs fois, lui a servi de refuge contre les intrigues de la cour.

Avec le décès de Louis XIII en 1643, la reine assure la régence avec l’appui de Mazarin et jouit d’un accès privilégié aux finances du royaume.

Elle achète différents lots qui agrandissent considérablement la superficie de Val-de-Grâce.

De plus, elle confie en 1645 à l’architecte François Mansart le soin de construire un temple magnifique qui complétera l’abbaye.

Mais François Mansart est un perfectionniste, jamais satisfait de ce qu’il est en train de faire.

Relevé de ses fonctions un an plus tard en raison notamment de ses hésitations, François Mansart passe le flambeau à Jacques Lemercier qui conserve les plans de son prédécesseur, n’apportant que des modifications mineures.

Toutefois, de 1648 à 1651, la révolte du parlement de Paris et d’une bonne partie de la noblesse contre le pouvoir royal (soit la Fronde), retarde les travaux. Ceux-ci ne reprendront qu’en 1655.

Entretemps, l’architecte Lemercier décède. Pierre Le Muet est chargé de l’achèvement des travaux.

Celui-ci agrandira le monastère mais poursuivra telle quelle la construction de l’église. Il sera assisté de 1665 à 1667 par Gabriel Le Duc.

L’église Val-de-Grâce est finalement complétée en 1667, vingt-deux ans après la pose de la première pierre et un an après le décès d’Anne d’Autriche (qui y sera inhumée).

Les antécédents

Les premières églises à dôme de Paris furent :
• l’église Saint-Joseph-des-Carmes (1613-1620),
• l’église du couvent des filles de la Visitation (1632-1634),
• l’église Saint-Louis-des-Jésuites (1627-1641), et
• la chapelle de la Sorbonne (1635-1642), propriété du cardinal de Richelieu.

En 1667, l’église de Val-de-Grâce devenait la cinquième.

Description de l’église

Façade de l’église de Val-de-Grâce, en 2003

L’église de Val-de-Grâce a pour thème la Nativité.

Sa façade à deux étages est de style baroque romain. Elle présente en avancée un portique surmonté d’un fronton triangulaire.

Celui-ci porte la dédicace (en latin) : « À Jésus naissant et à sa mère la Vierge », une allusion à la naissance de Louis XIV et à la régente, commanditaire de l’œuvre, en tant que mère.

Les sœurs du Val-de-Grâce étant des Bénédictines, de part et d’autre de ce portique, on trouve des niches qui honorent les deux saints patrons de la communauté; Saint Benoît (à droite) et Sainte Scholastique (à gauche).

Ces sculptures ont été réalisées par François-Théodore Devaulx (1802-1870) en remplacement de celles — en marbre blanc et sculptées par François Anguier — qui honoraient les mêmes saints et qui décoraient originellement la façade de l’église.

Aperçu de l’intérieur
Maitre-autel à baldaquin et coupole

Lorsqu’on pénètre dans cette église, le maitre-autel et son somptueux baldaquin en marbres polychromes attirent immédiatement l’attention. Ils sont l’œuvre de Pierre Le Muet, élève du Bernin.

Autel

Immédiatement au-dessus du tabernacle, on a placé les personnages de la crèche, en marbre de carrare, rappelant le thème de la Nativité.

Il s’agit là d’une copie du chef-d’œuvre de Michel Anguier.

L’original, créé pour Val-de-Grâce, fut transféré en 1805 dans la chapelle de la Vierge de l’église Saint-Roch de Paris. Bien plus tard, le curé de Saint-Roch ayant refusé de rendre la crèche à Val-de-Grâce en dépit de la demande de Napoléon III, on décida d’en sculpter une copie identique qui se trouve donc à Val-de-Grâce en remplacement de l’original.

Couronnement du baldaquin

Ce baldaquin est surmonté d’un couronnement en bois doré, œuvre de Michel Anguier. Les rubans que déploient les angelots portent des citations du Gloria in excelsis Deo (c’est-à-dire Gloire à Dieu au plus haut des cieux). Ils expriment la reconnaissance à Dieu pour la naissance de Louis XIV.

Fresque de la coupole

Au-dessus du chœur, la coupole repose sur un tambour percé de fenêtres. Cette coupole est décorée d’une fresque de Pierre Mignard intitulée La Gloire des Bienheureux.

Au sein d’une nuée d’environ deux cents personnages sacrés, au centre de laquelle se trouve la Sainte Trinité, on distingue (ci-dessus à 8h) la reine Anne d’Autriche agenouillée, portant une cape en hermine brodée de fleurs de lys dorés, offrant l’église de Val-de-Grâce à Dieu, réalisant ainsi sa promesse.

Pendentif de Saint Marc

Les quatre pendentifs à la rencontre des arcs qui supportent la coupole représentent les quatre évangélistes (ici Saint Marc, symbolisé par le lion à ses pieds).

Orgue

À gauche du chœur, dans un espace clôturé par une grille dorée, se trouve un orgue de Cavallé-Coll conçu entre 1851 et 1853 et destiné à l’église Sainte-Geneviève. En 1885, cette dernière devint le Panthéon. On transféra l’orgue, devenu inutile, à l’église de Val-de-Grâce.

Avant que cet orgue y soit aménagé, cet espace portait le nom de Chapelle Sainte-Anne (la patronne de la reine). C’est là qu’étaient placés de nombreux monuments au cœur de princes et princesses de la famille royale de France.

Au moment de l’embaumement, le cœur était prélevé, puis placé dans un monument spécial (une urne scellée reposant sur un socle ou sur une sculpture) appelé monument au cœur.

Souvent accompagné d’un message d’affection du défunt, ce monument était destiné à être exposé publiquement.

L’église Val-de-Grâce accueillit plusieurs de ces monuments au cœur.

Après la Révolution, ils ont été profanés puisque leur contenu possédait une valeur marchande. En effet, dans le milieu artistique, les cœurs momifiés, réduits en poudre et mélangés à des huiles et des pigments, avaient la réputation de conférer un glacis extraordinaire aux toiles peintes à l’aide de ces mélanges.

De l’autre côté du chœur, en face l’espace où est logée l’orgue, se trouve le Chœur des religieuses. C’est là que les religieuses, assises sur des stalles, prenaient place afin d’écouter la messe.

Elles étaient séparées du chœur proprement dit par une grille dorée qui les dissimulait partiellement du regard des curieux

On accédait au Chœur des religieuses directement à partir du monastère, sans passer par l’extérieur.

Voûte

La lumière naturelle qui inonde cette église provient d’une série de grands vitraux transparents aménagés immédiatement sous sa voûte richement décorée par Philippe de Buyster.

Allégories de l’Humilité et de la Virginité

De chaque côté du vaisseau central, les piliers sont séparés par des arcades décorées d’allégories représentant dix-huit vertus (l’abnégation, la bonté, la charité, l’espérance, la justice, etc.). Elles furent sculptées par Michel Anguier, responsable (rappelons-le) de la crèche du chœur et du couronnement du baldaquin.

Dans la photo ci-dessus, l’Humilité (à gauche) repousse un ange qui lui présente les lauriers de la Gloire et rejette à ses pieds les attributs du pouvoir (sceptre et couronne). À droite, la Virginité, un lys au bras et un agneau à ses pieds, indique du doigt la voie du salut.

Pour terminer, signalons que le riche pavage en marbre polychrome de l’église est de Nicholas Pasquier.

Dôme de l’église

Originellement, les bandes verticales en relief du dôme étaient décorées d’or, comme seront celles du dôme de l’hôtel des Invalides (dont la construction débutera en 1670). On imagine l’émerveillement des gens de l’époque devant la splendeur et la nouveauté de l’édifice.

De nos jours, l’église de Val-de-Grâce représente le plus bel ensemble conventuel français du XVIIe siècle et la plus importante contribution d’Anne d’Autriche au patrimoine architectural de la capitale.

Elle exprime finalement le talent et la maitrise des artisans français de l’époque.

Détails techniques : Appareils Canon Powershot G6 (1re photo) et Olympus OM-D e-m5 (les autres photos), hypergone M.Zuiko 8 mm F/1,8 (3e photo) et objectifs M.Zuiko 12-40 mm F/2,8 (2e, 5e, 8e et 10e photos), PanLeica 25 mm F/1,4 (4e, 6e et 7e photos), M.Zuiko 7-14 mm F/2,8 (9e photo) et M.Zuiko 75 mm F/1,8 (11e photo)
  1re photo : 1/1000 sec. — F/2,8 — ISO 100 — 7,1 mm
  2e  photo : 1/80 sec. — F/2,8 — ISO 1000 — 12 mm
  3e  photo : 1/80 sec. — F/1,8 — ISO 200 — 8 mm
  4e  photo : 1/80 sec. — F/1,4 — ISO 200 — 25 mm
  5e  photo : 1/60 sec. — F/2,8 — ISO 500 — 22 mm
  6e  photo : 1/100 sec. — F/1,4 — ISO 200 — 25 mm
  7e  photo : 1/200 sec. — F/1,4 — ISO 200 — 25 mm
  8e  photo : 1/80 sec. — F/2,8 — ISO 1000 — 12 mm
  9e  photo : 1/160 sec. — F/2,8 — ISO 200 — 7 mm
10e  photo : 1/80 sec. — F/2,8 — ISO 250 — 40 mm
11e  photo : 1/2500 sec. — F/1,8 — ISO 200 — 75 mm

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Écrit par Jean-Pierre Martel