La principale menace contre l’Occident : la Russie ou l’État islamique ?

18 juillet 2015

Introduction

Selon le nouveau chef d’état-major de la Défense canadienne, M. Jonathan Vance, l’État islamique (ÉI) constitue la principale menace contre l’Occident.

De son côté, le prochain chef des forces armées américaines, le général Joseph Dunford, estime que la Russie, suivie de la Chine et de la Corée du Nord constituent plutôt les trois menaces principales à la paix dans le monde. L’ÉI n’est qu’en quatrième position.

La Russie

Depuis qu’il est au pouvoir en Russie, Vladimir Poutine a transformé son pays en un État mafieux dont la montée en puissance est une menace contre ses voisins européens (pays baltes, Géorgie, et Ukraine, entre autres).

Le contentieux entre la Russie et l’Occident tire son origine de l’extension de l’OTAN en Europe de l’Est. Depuis l’effondrement du rideau de fer, la grande majorité des anciennes républiques soviétiques ont été admises en tant que membres de l’OTAN; ce sont les pays baltes (Estonie, Lettonie, et Lituanie), la Pologne, la République tchèque, la Slovaquie, la Slovénie, la Hongrie, la Croatie, la Roumanie, la Bulgarie, et l’Albanie.

Les autorités russes prétendent que le président russe Mikhaïl Gorbatchev n’avait consenti à la réunification de l’Allemagne qu’après avoir obtenu l’assurance que l’OTAN ne chercherait pas à s’étendre vers l’Est.

Du côté occidental, cette prétention est démentie catégoriquement; jamais une telle garantie n’a été donnée à la Russie.

La question de savoir qui dit vrai est purement académique. Il est clair que la Russie ne peut pas accepter d’être encerclée de pays voisins qui pointent leurs canons contre elle.

De manière analogue, le président américain John-F. Kennedy ne pouvait pas accepter que l’Union soviétique déploie ses missiles à Cuba. Le blocus militaire américain lors de la crise des missiles était donc légitime.

Mais les anciennes républiques soviétiques ne sont pas des îles. Et en profitant de la faiblesse de la Russie après l’effondrement du bloc soviétique pour militariser contre elle ses anciennes républiques satellites, l’OTAN est aujourd’hui en position de force, au prix d’un accroissement de la tension diplomatique entre la Russie et l’Occident.

La Russie n’a pas de moyens d’empêcher un pays voisin de rejoindre l’OTAN autrement qu’en cherchant à déstabiliser son économie et en cherchant à faire en sorte qu’il soit dirigé par un gouvernement qui lui soit soumis.

En déployant ses missiles jusqu’aux frontières russes, l’OTAN a préparé la guerre. Mais elle n’a pas préparé la paix (ce qui n’était pas son rôle).

Conséquemment, grâce à nous, la Russie est redevenue une menace pour la paix.

Or cette menace ne peut être sous-estimée. De tous les pays hostiles à l’Occident, la Russie est de loin celui qui dispose du plus grand arsenal militaire. Dans ce sens, c’est notre principal danger.

L’État islamique

Comparé à la Russie, l’ÉI est un moustique. Cette organisation n’a réussi à conquérir de vastes territoires en Syrie, en Irak et en Libye que grâce à la stupidité de la politique étrangère américaine. En renversant les régimes autoritaires qui assuraient stabilité de la région, les États-Unis et le Royaume-Uni ont créé les conditions propices à l’émergence de l’ÉI.

Contrairement à Al-Qaida — qui entraine une partie de ses combattants à commettre des attentats terroristes en Occident — l’ÉI ne constitue une menace que pour les États voisins, au premier chef desquels se trouve l’Iran.

Tout au plus adresse-t-il des menacettes aux pays qui le bombardent en appelant ses sympathisants demeurés dans ces pays — des amateurs — à commettre des attentats terroristes.

En fait, depuis des mois, l’ÉI fait du surplace. Après avoir conquis de vastes régions désertiques et quelques villes importantes, il se bute au territoire kurde situé sur son chemin vers l’Iran.

Mais pourquoi les pays occidentaux n’arrivent-ils pas à éradiquer l’ÉI ? Tout simplement parce que cela n’est pas leur objectif.

Les principaux pays qui ont accepté de bombarder l’ÉI sont des producteurs d’armement. Ces pays n’ont pas intérêt à ce que leur territoire devienne le théâtre de la guerre. Toutefois, une belle guerre lointaine est excellente pour leur économie.

Créer de l’insécurité afin d’inciter des pays à s’armer auprès d’eux, déstabiliser des gouvernements au nom de beaux grands principes, souffler sur les tisons des rivalités interconfessionnelles, tout cela est excellent pour leur secteur militaro-industriel. Et cela permet de tester concrètement l’efficacité de leurs armes.

La meilleure manière d’éradiquer l’ÉI est de tarir son financement. Or comment l’ÉI se finance-t-il ? De loin, par la vente de pétrole extrait du territoire qu’il contrôle. Et où est écoulé ce pétrole ? Par voie terrestre, par des centaines de camions-citernes qui font la navette entre l’ÉI et la Turquie.

La Turquie, n’est-elle pas membre de la coalition contre l’ÉI ? Oui. Mais comme de nombreux pays, elle tient un double discours. Officiellement, elle combat l’ÉI. Mais officieusement, elle ferme les yeux sur la contrebande de pétrole brut provenant de l’ÉI. Elle obtient du pétrole à bon marché qui permet à son économie d’être plus concurrentielle.

Mais un camion-citerne ne peut voyager sur du sable. Il lui faut circuler sur un sol ferme et conséquemment, emprunter des routes. Or il n’y a pas une infinité de routes qui mènent à la Turquie.

Depuis des mois, je cherche à savoir précisément quelles sont les cibles des bombardements du Canada. Or je n’ai pas réussi à trouver un seul texte qui le précise. Évidemment, on attaque l’ÉI mais cela est vague. Que bombarde-t-on au juste sur le territoire du califat ?

Ce qui est certain, c’est que si on avait cherché à détruire les routes qui mènent à la Turquie et les sites d’extraction du pétrole du territoire du califat, les caisses de l’ÉI seraient vides depuis longtemps.

Le Canada à lui seul a procédé à plus de deux mille bombardements, au coût d’un demi-milliard de dollars. Ce zèle sert à détourner l’opinion publique canadienne de la faillite des politiques économiques du gouvernement Harper.

Si par miracle le Canada réussissait à détruire l’ÉI — ce qui est impossible selon l’avis de tous les experts — est-il prêt à voir rentrer au pays des centaines de guerriers défaits qui n’auront qu’un seul but : se venger de leur défaite en commettant des attentats ici même au pays…

Conclusion

Le nouveau chef d’état-major de la Défense canadienne a raison; l’ÉI — surtout s’il est défait — représente une menace plus immédiate à la sécurité de chacun d’entre nous que la Russie.

Mais d’autre part, le chef militaire américain a lui aussi raison. Des attentats terroristes peuvent tuer des milliers de personnes : une guerre avec la Russie en tuerait des millions.

S’il est vrai que nos pays doivent envisager la possibilité éloignée d’une guerre mondiale, ce qu’il faut craindre dans l’immédiat, ce sont les attentats commis en réaction à la mort et à la désolation que nos gouvernements répandent un peu trop facilement à l’Étranger.

Références :
Bombarder l’État islamique, ça fait tellement du bien…
Le groupe EI est la principale menace de l’Occident, selon le nouveau chef d’état-major
L’État islamique : un trou noir
Plus de 10 000 djihadistes de l’EI tués
Vladimir Poutine

Parus depuis :
Is ISIL running out of oil? (2015-07-19)
L’Arabie saoudite, un Daesh qui a réussi (2015-11-20)

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Écrit par Jean-Pierre Martel