Feu le pont Maurice-Richard

6 novembre 2014

On apprenait aujourd’hui que le gouvernement fédéral renonçait à appeler le nouveau pont Champlain du nom d’une vedette de hockey, soit Maurice Richard.

Au bénéfice de nos lecteurs européens, rappelons les faits.

Un des ponts qui permettent aux automobilistes d’entrer ou de sortir de l’île de Montréal s’appelle le pont Champlain, du nom de celui qui fut officieusement le premier gouverneur de la Nouvelle-France.

Ce pont est de propriété fédérale, c’est-à-dire qu’il appartient au gouvernement central du Canada. On doit le remplacer en raison de son vieillissement prématuré.

Il y a quelques jours, on apprenait l’intention du gouvernement fédéral de nommer le nouveau pont « Maurice-Richard », du nom d’un hockeyeur célèbre.

La rumeur à ce sujet a déclenché une vive controverse, ce qui m’a incité à écrire un texte à ce sujet.

Soumis il y a deux jours au quotidien Le Devoir, ce texte — qui prédisait le recul du gouvernement à ce sujet — est devenu caduc en raison de la tournure des événements.

Parce que je déteste écrire pour rien, voici le texte que j’avais rédigé.

Il n’y aura pas de pont Maurice-Richard

À l’époque où Maurice Richard était une vedette, le Canadien de Montréal était une formation composée essentiellement d’athlètes canadiens francophones et anglophones travaillant de concert à remporter la victoire.

Mais ce n’est pas ce club — modèle historique de l’unité nationale — qui pourrait porter le nom du nouveau pont de Montréal : c’est plutôt un de ses athlètes.

Hockeyeur remarquable, Maurice Richard a néanmoins été l’objet de décisions injustes et a livré malgré lui un combat contre l’establishment anglophone et raciste de la National Hockey Leage, combat qui devait provoquer à Montréal une émeute demeurée légendaire.

À une époque où le nationalisme québécois ne pouvait pas s’exprimer par le biais d’institutions politiques, cet accès de violence fut une échappatoire à la frustration des émeutiers face à la discrimination quotidienne dont ils étaient l’objet.

Pour la très grande majorité de ses admirateurs, Maurice Richard symbolisait le combat du petit Canadien français contre les « maudits Anglais » qui cherchaient à l’humilier et à le dompter.

Que le gouvernement Harper ait songé à nommer ainsi le nouveau pont de Montréal — même si ce choix n’a pas été confirmé — illustre le populisme de ce gouvernement (ce qui n’est pas un défaut), mais également une profonde méconnaissance de l’histoire du Québec.

Dans son empressement à oblitérer les signes de la colonisation française au pays — afin de magnifier sans doute les bénéfices de la colonisation anglaise dont il est l’héritier — le gouvernement Harper a commis l’imprudence de proposer un choix qui se prête aisément à la récupération idéologique de la part des mouvements indépendantistes du Québec.

Voilà pourquoi ce choix est totalement inacceptable du point de vue fédéraliste. Conséquemment, il est impossible que ce choix soit retenu.

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Écrit par Jean-Pierre Martel