Tourner la page sur le conflit étudiant

Le 12 octobre 2012


 
À la lecture d’un article paru ce matin dans La Presse, j’apprends que le nouveau ministre québécois de la Sécurité publique, Stéphane Bergeron, évalue la demande d’une enquête publique relativement au travail policier au cours du conflit étudiant.

Une Commission d’enquête représente une dépense de plusieurs dizaines de millions$. J’inviterais le ministre à nous éviter une telle dépense pour les raisons suivantes.

Contrairement à la corruption (qui se fait toujours derrière des portes closes), la répression policière lors du Printemps érable s’est faite sur la place publique. Elle a été bien documentée par les média québécois et conséquemment, il est douteux qu’une Commission d’enquête nous apprenne quoi que ce soit d’important.

Ce serait donc un gaspillage de l’argent des contribuables que de créer une enquête publique simplement pour satisfaire ceux qui jugent que les choses auraient dû se dérouler autrement ou pour faciliter l’obtention de la preuve dans le cas de ceux qui ont intenté des poursuites contre les forces de l’ordre.

Fondamentalement, il faut comprendre que n’importe quel conflit social qu’on laisse pourrir pendant des mois finit par dégénérer et ultimement, laisser des séquelles.

Lorsqu’une protestation tourne à l’émeute, la rue devient alors une école de comportements asociaux et un lieu de transmission de la rage contre les pouvoirs établis. Et les policiers à qui on demande de demeurer stoïques en dépit des injures, sentent monter en eux une colère qui trouve son aboutissement lorsque vient l’ordre de disperser la foule. Tout cela laisse une animosité semi-permanente dont la pire conséquence est qu’elle a anéanti des années d’efforts pour rapprocher les policiers des citoyens.

Le Printemps érable a créé de profondes divisions au sein de la population québécoise. Une Commission d’enquête nous fera tous revivre des émotions qui, autrement, s’estomperaient avec le temps. Et les députés libéraux — si prompt à faire flèche de tout bois, ces temps-ci — accuseront le gouvernement Marois de diviser le Québec et de créer de la chicane (eux qui s’y connaissent si bien dans ce domaine).

Au contraire, on peut faire comme à peu près tous les peuples épuisés par une guerre civile : abandonner l’esprit de vengeance et décider de passer l’éponge pour ne sévir que contre ceux qui continueraient de se comporter comme à l’époque des grands conflits. Mais passer l’éponge ne veut pas dire oublier.

On doit comprendre que les policiers ne sont que des exécutants : ils maintiennent ou rétablissent l’ordre à la demande des pouvoirs civils. Avec l’armée et les tribunaux, les policiers font partie des pouvoirs répressifs de l’État. Concrètement, la répression policière lors du conflit étudiant n’était que l’expression de la volonté politique du gouvernement Charest.

D’autre part, la création d’une enquête publique serait interprétée par les policiers comme un désaveu. Or ces derniers n’ont fait que ce qu’on leur demandait. Ils se rappellent encore du temps où ils recevaient des pierres, des bouteilles, des insultes et des crachats. Je crainds une réaction très vive de leur part si on devait leur faire un procès public.

Si le gouvernement Marois demeure en place suffisamment longtemps, il pourrait faire face à d’autres conflits sociaux. Désavoués, les policiers se souviendront qu’on leur demande maintenant d’y aller doucement face à des foules en colère. Et si des fiers-à-bras réussissent à pénétrer dans une assemblée où sont présents des ministres péquistes, il sera trop tard pour blâmer les policiers pour leur manque de zèle.

J’inviterais donc ceux qui demandent une enquête publique, de se rappeler longtemps de ce qui est arrivé au cours du Printemps érable et de voter en conséquence. Ce sera plus économique et beaucoup plus efficace.

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