Fuck la Cour suprême !

Le 19 octobre 2010

Introduction

Les tribunaux, la police et l’armée constituent les outils répressifs de l’État. Lorsqu’un citoyen commet un excès de vitesse, ce n’est pas son député qui l’arrête ; ce dernier a simplement adopté une loi ou des règlements qui interdisent la conduite dangereuse, et ce sont les corps policiers et les tribunaux, payés par l’État, qui se chargent de faire respecter la volonté politique de celui-ci.

Dans la hiérarchisation des tribunaux du pays, les tribunaux de première instance sont de compétence provinciale. Au-dessus d’eux, la Cour supérieure est de compétence fédérale. La Cour d’appel du Québec, encore plus haute, est provinciale. Finalement, au faîte de cette pyramide, la Cour suprême du Canada est fédérale. Chaque niveau de gouvernement nomme ses propres juges et assure leur rémunération.

Alors si les tribunaux sont des créatures des États, pourquoi les gouvernements se soumettent-ils à leurs décisions ? Dans les États de droit, la soumission au pouvoir judicaire est essentielle à l’ordre social. Si chacun est libre d’obéir ou non aux tribunaux, la police ne peut faire respecter les lois et c’est l’anarchie. En somme, les gouvernements donnent le bon exemple.

Toutefois, cette soumission n’est rien d’autre qu’une convention. Une telle convention, aussi importante soit-elle, n’est pas sacrée. Or, il peut arriver — exceptionnellement — que des gouvernements jugent que l’avenir de leur population exige la désobéissance face à l’encadrement législatif auquel ils sont soumis.

La désobéissance civile et l’avenir du français

Précédemment sur ce blogue, nous avons vu que dans un de ses jugements, la Cour suprême du Canada a reconnu que les dispositions de Constitution canadienne relative à la langue d’enseignement ont été adoptées expressément pour contrer la Loi 101 du Québec.

Il n’est donc pas étonnant que diverses décisions de cette cour aient eu pour effet d’affaiblir la Charte de la langue française. En effet la Loi 101 exige que les Néo-québécois envoient leurs enfants à l’école publique française (à moins de payer en totalité pour l’enseignement privé dans une autre langue), alors que la constitution canadienne, au contraire, proclame la liberté de tout citoyen canadien de s’assimiler au groupe linguistique officiel de son choix et exige que les écoles publiques de la minorité soient accessibles à tous.

Or comme l’a démontré la série Le français en péril, le libre choix prescrit par la Constitution a pour conséquence inéluctable l’extinction du français au Québec.

Puisque la clause dérogatoire ne peut être invoquée par le Québec pour se soustraire à ses obligations constitutionnelles en matière de langue d’enseignement, cet affaiblissement de la Loi 101 a déjà des répercussions concrètes : les francophones sont devenus minoritaires sur l’île de Montréal et un nombre croissant d’allophones choisissent l’anglais comme langue d’adoption. Il est même devenu fréquent d’être servi en anglais alors qu’on s’est adressé en français à un employé : certains employés vont même jusqu’à refuser de nous servir en français.

Coincé entre son obligation légale de respecter la Constitution canadienne et son devoir moral d’assurer ici la survie du français, le gouvernement du Québec pourrait considérer la possibilité de la désobéissance civile.

Cette désobéissance est d’autant plus envisageable que le Québec n’a jamais signé l’entente constitutionnelle de 1982. En effet, cette constitution fut adoptée à la suite d’un déblocage survenu le lendemain d’une nuit de négociation intensive à laquelle le Québec n’avait pas été invité mais à laquelle toutes les provinces anglophones ont participé. Jamais le Québec n’a voté pour cette Constitution. Elle fut passée sur notre dos.

Imaginons que l’Assemblée nationale adopte une résolution à l’effet que dorénavant, face à tout conflit entre les dispositions de la Constitution relative à la langue d’enseignement et les dispositions correspondantes de la Loi 101, le Québec ne se sentirait pas lié par les devoirs constitutionnels imposés par le Canada anglais. Qu’arriverait-il ?

Un immense scandale et une crise politique majeure. Or cela tombe bien puisqu’à défaut d’une telle crise, jamais le Canada anglais acceptera de renégocier la Constitution canadienne.

Dans un article à suivre, nous examinerons les diverses conséquence que pourrait avoir une telle crise. Entretemps, je vous laisse songer à cette possibilité, impensable en d’autres temps, mais qui m’apparait envisageable dans le contexte actuel.

Note : la photo ci-dessus a été prise hier soir, lors de la manifestation contre la bâillon imposé pour forcer la légalisation des écoles passerelles (soit le projet de loi 103, devenu loi 115).

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